ÉDITO
L’amiante décrypté.
S’il y a un domaine où la réglementation est complexe et lourde de conséquences, c’est bien celui du contexte de travaux/démolition. Avec cette nouvelle lettre d’information « Amiante Info Agenda », nous nous proposons de vous aider à y voir plus clair.
D’une part, les pouvoirs publics s’emploient à combler les flous juridiques, avec la parution imminente de l’arrêté amiante avant travaux concernant les immeubles bâtis, ainsi que la prochaine publication d’une norme dédiée au repérage du plomb avant travaux/démolition.
D’autre part, la Direction Générale du Travail multiplie les notes d’information précisant l’interprétation devant être faite des textes réglementaires : cadre juridique applicable aux opérations sur des matériaux contenant de l’amiante dans le cas des particuliers et des agriculteurs, cadre juridique applicable aux interventions en sous-section 4.
Vous trouverez dans ce numéro des explications sur ces différents points.
AVANT-TRAVAUX : Contrainte ou opportunité ?
Parfois vu comme une énième contrainte réglementaire, un repérage avant-travaux est aussi un outil de visibilité du chantier.
Encore un nouveau diagnostic obligatoire ? Non, l’avant-travaux n’est pas aussi nouveau qu’il n’y paraît. Le repérage existait déjà entre les lignes de la réglementation, au titre de l’évaluation des risques, mais sans être encadré jusqu’à présent. Désormais inscrit noir sur blanc dans le Code du travail, encadré par le décret du 9 mai 2017, on attend les arrêtés d’application. Patience, le premier d’entre eux - le plus important aussi en termes de volume - est annoncé pour le premier semestre 2018 pour les immeubles bâtis.
Forcément, on ne voit jamais d’un bon oeil le mille-feuille réglementaire s’épaissir un peu plus. D’autant qu’un bon avant-travaux exige du temps, de la rigueur, de l’expérience et coûte forcément plus cher qu’un simple DTA. Oui, mais c’est aussi - et surtout - un outil qui apporte de la visibilité au maître d’ouvrage en lui évitant de nombreuses déconvenues.
On pense évidemment au risque d’exposition et de pollution, mais aussi au risque de blocage de chantier avec tous les retards et surcoûts que cela suppose. Pour se faire une idée, le Syrta (Syndicat du retrait et du traitement de l’amiante et des autres polluants) avait réalisé une enquête : sur 89 chantiers opérés entre 2008 et 2012, il enregistrait plus de 50 millions d’euros de dépassement de budget et 51 arrêts de chantiers !
Encadré et réglementé, l’avant-travaux doit bien sûr prévenir des risques amiante, mais par ricochet, aussi permettre de mieux maîtriser le budget et le calendrier d’une opération. La nouvelle réglementation et la nouvelle norme NF X 46-020 exigent ainsi une collaboration plus étroite entre le donneur d’ordre et l’opérateur de repérage pour coller au programme de travaux, et effectuer des repérages complémentaires au fur et à mesure du chantier afin de lever tous les doutes.
PUBLICATION : Amiante, le particulier est aussi concerné !
Gros ou petits travaux, simples opérations de maintenance ou d’entretien, le particulier est aussi directement concerné par l’amiante dans son logement. La Direccte des Pays de la Loire a édité en janvier une brochure fort bien faite pour sensibiliser les propriétaires et les agriculteurs au risque amiante. Ce document explicite la note DGT du 24 août 2017.
Pourquoi l’amiante est-il une préoccupation majeure ? Quelles obligations pour le propriétaire donneur d’ordre ? Quels risques et quelles sanctions ? La brochure facilite l’accès à une réglementation amiante peu digeste, reconnaissons-le, pour le néophyte. Elle est également enrichie de conseils pratiques pour savoir à quels professionnels s’adresser, à quelles subventions prétendre, ou comment bien lire son devis.
• Direccte des Pays de la Loire, Amiante chez les particuliers : une affaire de professionnels ! Janvier 2018.
SS4 : L’évaluation des risques passe aussi par des mesures d’empoussièrement
Surgie juste avant les fêtes de fin d’année, une note de la Direction générale du travail précise le cadre juridique des interventions menées en sous-section 4.
Comment évaluer ses processus en SS4 ? Doit-on recourir à une mesure d’empoussièrement ? La réglementation ne le dit pas clairement, mais la mesure est incontournable. La note de la DGT lève d’ailleurs toute ambigüité : « l’évaluation du niveau d’empoussièrement des processus relevant de la SS4 repose nécessairement sur des mesurages faits sur opérateur(s) ». Même si ce processus a déjà été évalué dans le cadre d’une campagne comme Fedene ou CartoAmiante. « L’utilisation des données de ces campagnes n’exonère pas l’employeur de l’obligation de réaliser ses propres mesurages sur opérateur. »
A quelle fréquence ? Là aussi, la réglementation ne dit rien. Pour la DGT, « il appartient à l’employeur, dans chaque mode opératoire (un par processus), de déterminer la fréquence et les modalités des mesures d’empoussièrement ». Ce qui ne signifie pas pour autant que l’employeur pourra faire ce qu’il veut. La note de la DGT fixe quelques règles à respecter à minima. Une fois un processus identifié, celui-ci doit faire l’objet d’un mesurage sur opérateur avec les EPI « dès sa première mise en oeuvre » ; prélèvement qui devra par ailleurs être couplé avec une analyse du matériau. Histoire de s’assurer qu’on est bel et bien en présence d’amiante.
Si l’empoussièrement mesuré est supérieur au niveau estimé, retour à la case départ, et nouvelle mesure d’empoussièrement. Si l’empoussièrement mesuré est de niveau 1 (moins de 100 f/L), la DGT recommande de le confirmer avec un nouveau mesurage sur opérateur(s) « dès la prochaine intervention mettant en oeuvre ledit processus ». Enfin, l’employeur est aussi tenu de mettre à jour annuellement ses modes opératoires et de les transmettre à l’inspection du travail ainsi qu’à la Carsat.
PLOMB : Une norme pour l’avant-travaux
En matière de diagnostic plomb, il existe déjà le Constat de risque d’exposition au plomb (Crep), mais il est rarement adapté à un contexte avant-travaux/avant-démolition. Pour y remédier, l’Afnor planche sur une norme définissant les règles de l’art du repérage plomb avant-travaux, indispensable à l’évaluation des risques des travailleurs. Selon le calendrier de l’Afnor, la norme devrait être soumise à enquête publique dès le mois de mai, et publiée en octobre.
Un champ élargi. Si la méthodologie s’inspire évidemment du Crep, elle va cependant plus loin : dans un contexte de travaux, la recherche du plomb ne peut se cantonner aux seules peintures. On pense par exemple aux canalisations en plomb non repérées lors du Crep vente/location. Le champ d’investigation se veut donc exhaustif, comme pour l’amiante avant-travaux.
Un seuil bas. La norme doit également fixer un seuil technique, tout en sachant qu’aucun seuil n’est défini par le Code du travail. Il est cependant envisagé de descendre aussi bas que permis par les analyseurs à fluorescence X du marché : 0,3 mg/cm2, c’est-à-dire plus bas que le seuil du Code de la santé publique (1 mg/cm2).
Un donneur d’ordre impliqué. Pas question de tout réinventer, la norme en gestation devrait copieusement s’inspirer de la NF X 46-020 (repérage amiante). En particulier, dans les relations entre donneur d’ordre et opérateur : comme pour l’amiante, l’implication du donneur d’ordre donnera la garantie d’un repérage efficient, cohérent avec le programme de travaux.
La norme NF X 43-269 toilettée
L’Afnor a publié en janvier sa nouvelle norme homologuée NF X 43-269 pour remplacer la version d’avril 2012, d’application obligatoire pour la détermination de la concentration en fibres d’amiante dans l’air des lieux de travail. Parmi les grosses évolutions, on notera une plus grande tolérance en matière de sensibilité analytique (SA). Même si la réglementation demande une SA de 1 (1/10ème de la VLEP), la nouvelle version autorise une SA allant jusqu’à 3, à condition que le laboratoire en apporte la justification : empoussièrement trop important, prélèvement trop court…
Cette évolution devrait prochainement être traduite dans la réglementation, puisque la Direction générale du travail a annoncé la sortie d’un nouvel arrêté pour le premier semestre 2018 avec une entrée en vigueur dès le 1er juillet 2018.
LE CHIFFRE
30% des écoles publiques d’avant 1997 n’ont toujours pas de DTA
63 600 établissements scolaires en France, et 85% d’entre eux soumis au DTA (Dossier technique amiante) avec au moins un de leurs bâtiments édifié avant 1997. Ce sont les chiffres de l’Éducation nationale. Un rapport de 2016 décrit une situation préoccupante avec des obligations amiante pas toujours respectées : 30% des écoles publiques construites avant 1997 ne disposaient toujours pas de DTA en 2016 ! Sans compter que dans de nombreux établissements, le DTA n’était pas communiqué et/ ou non mis à jour.